Canal moins

Publié le par Michel David

Parler de Canal Plus ( Canal +, comme l'exige le marketing), c'est difficile.
Parce que l'antenne, pour autant que je sache puisque je n'y ai jamais été abonné, est centrée très principalement sur deux mamelles, le sport ( le foot) et le cinéma.

Le sport, je n'y connais rien; le foot, je déteste; je n'ai vu que deux matches dans ma vie, un avec mon père à Nantes où je me suis ennuyé mortellement, un autre sur un écran géant en plein air ( France Brésil je ne sais plus quelle année).

Le cinéma, à la fois absolument indispensable pour le tissu économique et, il me semble, produit avec le maximum de professionnalisme, avec même une diversité contrainte par des accords, mais que Canal ne contourne pas. Ma crainte toujours a été celle de la corde du pendu, le fait que la santé et la diversité du cinéma français dépendent si étroitement d'un monopole. Et Canal s'y est entendu toutes ces années pour rester un monopole.
C'est sans doute pour ça, pour le "péché" originel de l'attribution d'un canal pour des raisons politiques et par le politique que je n'ai jamais voulu être abonné.

Mais ce qui m'énerve vraiment, c'est la seule chose que j'ai regardé ( la seule que je pouvais regarder) et que je ne regarde plus depuis longtemps, dans une sorte de boycott d'inintérêt, ce sont les émissions en clair ( déjà, ce mot, pourquoi en clair?).

Canal Plus en clair, c'est plus de rigolade, c'est plus de bouffons, c'est plus de zapping où tout se vaut, c'est plus de bonne humeur, parce qu'il faut être de bonne humeur ( gageons que si la France est déprimée plus que ses voisins, c'est parce que les représentations dominantes de la société sont celles de la légèreté), c'est plus d'affadissement général.
Tout est aplati ( à  plat, plateau).

Pendant longtemps, les Guignols de l'info ( voyez comme nous sommes sérieux puisque nous nous traitons nous mêmes de guignols), Antoine de Caunes, ce charmant touche à rien, le zapping - et les autres présentateurs formés dans le même moule - se sont définis comme bouffons. Mais attention, comme les journalistes sont les seuls patentés à porter le fer dans la plaie - Albert Londres), les bouffons seuls ont droit à être bouffons. Nous sommes les rois du monde ( enfin, quelquefois, on s'aperçoit que c'est de notre monde), nous sommes les seuls ( surtout bien entendre, les seuls) à pouvoir dénoncer.

Tout celà est bien sûr l'envers de son apparence et n'est qu'une féroce complaisance.
Parce que, finalement, nous faisons partie du même monde, celui du pouvoir. Et celà arrange les "vrais" pouvoirs, soit politiques qui peuvent, malgré les caricatures, continuer à y briller - parce qu'aucune  solution de fond n'aura besoin d'être esquissée-, soit économiques - parce que "c'est trop compliqué". Expliquer les subprimes à une heure de grande écoute,non quand même!).

Canal Plus en France a été le précurseur ( copiant , bien d'ailleurs, des modèles américains) d'une télé "de gauche", branchée, gaie, vivante. Dont on s'aperçoit de jour en jour de plus en plus que le gouffre avec la "vraie vie" est tout aussi sidéral que celui des autres chaînes hertziennes. Pas de culture, sauf celle des succès - jamais de compte rendu de spectacles qui jouent à guichets fermés de compagnies en province-. Pas de culture politique ou économique, sauf celle du dire ou de la dénonciation ( les grandes enquêtes de Capa ou des agences de presse).

C'est aussi l'ère des cinéastes comme Moore, qui croient qu'ils sont documentaristes, celle des grandes fictions ( les Borgia, parce que ces assassinats en famille, "ça" nous parle!), celle des "grands documents"( genre dénonciation Greenpeace ou Wikileaks).

Pas d'écoute des savants ou intellectuels sauf ceux qui font le tour des plateaux, Lévy, Finkelkraut, et autres.

Ce matin, j'entends sur Europe un savant (dont je n'ai pas retenu le nom) qui ose dire que dans l'affaire du Mediator un procès focalisé sur le méchant Servier desservira le vrai problème de la mise au centre du patient dans l'approche de santé. Effroi du journaliste.

Je suis loin de Canal Plus? Non, Canal, c'est une belle télé. Et c'est si loin de la vie.

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