Le quatrième pouvoir

Publié le par Michel David

Peu ou prou, j'ai déjà écrit ici, sous une forme différente, ce que je vais synthétiser.

Presque un bilan annuel en ces pleines vacances.

Le résumé distancié d'un certain nombre d'événements arrivés récemment, vu de notre nombrilisme et du microcosme parisiano-médiatique.

Et il s'en est passé des choses, déjà oubliées à la mesure de leur audience.

Je n'aime pas du tout les concombres, mais je n'ai jamais eu autant envie d'en manger, par pure contradiction, puisque ces horribles cucurbitacées ( a-t-on idée, aussi, d'un nom aussi ridicule!) ont été la cause de la mort de vingt personnes en Allemagne et que l'Europe était en état de panique (pas moins) avant qu'on ne s'avise que la cause n'était pas là où l'"on"pensait.

Ces courges sont très symboliques de la société de la peur que les médias ont réussi à inoculer ( j'utilise volontairement le vocabulaire médical). De la peur qu'ils ne veulent pas contrôler, parce que c'est leur propre pouvoir dominant qui est en jeu.

On remarque d'ailleurs qu'il n'y a jamais auto critique ( sinon celle de la dissertation sur les grands principes, jamais sur une responsabilité individuelle - qu'eux mêmes demandent en permanence à tous les autres).

Exemple entre mille. Est ce que Florence Bouquillat, journaliste à France 2, qui fut une de ceux qui traquèrent Dominique Baudis jusqu'au fin fond de l'Ariège où le susdit était déjà coupable d'on ne sait quelle messe noire, est toujours journaliste à France 2? Dans le même service?

Eva Joly s'insurge contre la gabegie du défilé militaire du 14 juillet. Oubli volontaire du contexte dans lequel elle l'a dit au profit exclusif de la "petite phrase". Foin exclusivement médiatique, dont les politiques ne pourraient sortir que par un silence absolu ( puisqu'il suffit d'ouvrir la bouche pour être mis en contradiction avec ce qu'un autre a dit).

Les socialistes défendent Eva Joly non sur sa proposition, mais sur le fait que Fillon la considère comme une étrangère. Les médias parlent de contradiction des socialistes. Mauvaise foi? Manipulation? Ignorance du sens des mots et d'une pensée qui ne se résume pas à un slogan? Au choix ou tout ça à la fois.

J'adore écouter Elkabbach le matin, son côté puce frétillante sur sa chaise, qui ne fait que démontrer sa profonde servilité. Il a deux types de questions, la médiatique, qui entraîne une réponse ou une non réponse (peu importe) d'une médiocrité analogue à la question, ou la question "profonde", où la réponse n'est pas écoutée, parce que "c'est trop compliqué".
Evidemment, à cette aune, qui est celle de tous les medias de masse, exit tous les scientifiques et leur pratique du doute, sauf dans l'ordre de la simplification de l'opposition de Allègre contre tous, exit ( exeunt) tous les philosophes, sauf ceux autoproclamés par les médias, le sauveur de la Libye, Finkielkraut et quelques autres, exit tous les historiens: on n'a jamais autant parlé de mémoire pour occulter l'histoire.
Ne reste qu'une société où les journalistes sont seuls à faire les règles ( y compris les écoutes que tout le monde pratique, et pas seulement les Murdoch), à s'autoproclamer experts, à s'interviewer eux mêmes, à ne jamais disparaître ( Kahn, tu ne nous manques pas!).
Où il est permis ( par eux et par eux seulement) de dire un jour que DSK ( cet homme n'existe que par ses trois lettres) est un violeur et le jour d'après que Nafissatou Diallo est une pute, évidemment avec les précautions langagières tartuffières d'usage pour qu'ils puissent dire qu'ils ne l'ont pas dit - et même théoriser sur leurs propres erreurs, dont jamais conséquence n'est tirée (voir plus haut).

Fascisme du médiatique. DSK ne sera plus jamais innocent, et Nafissatou Diallo apparaît définitivement en représentation publique ( conseillée par un avocat qui la fait tomber dans tous les pièges). " Démocratie" de la minute, où tout est dévoré, où tout ce qui est minuscule ( monter dans une Porsche) et individuel (mon malheur personnel) est infiniment plus important que le collectif ( mot que les médias ne connaissent pas, en le confondant avec le quantitatif - tant de personnes présentes à une "marche blanche", la dernière scie à la mode.

Où il est permis d'asservir à leurs règles tous les politiques qui se sont effectivement mis à leur consternant niveau, plus bas que terre.

D'où la désespérance des gens qui ne croient plus à la politique ni à la solidarité, en confondant - à nouveau - ce mot avec la charité, par exemple humanitaire, c'est-à-dire ciblée en fonction de ses propres centres d'intérêt.

D'où le fait de ne jamais voir dans un reportage la vraie vie ( si, si, elle existe), reportage où les seuls présupposés du journaliste s'imposent: il n'y a jamais de découvertes, sauf celles d'une simple enquête policière, qui reste à la surface des choses.

 

Tous les pouvoirs sont toujours des dictatures, soit des dictatures sanglantes ( le XXème siècle a son lot avec nazisme et stalinisme) sans la légitimité des révolutions: que ce soit la française ou l'arabe, les morts sont toujours du même côté des opprimés, jusqu'à ce que les pouvoirs reprennent "leur" place, la Terreur ou, sans doute, l'armée égyptienne ou les islamistes - même combat contre le peuple,

soit des dictatures rampantes, où une élection "légitime" un pouvoir qui n'en fait après qu'à sa tête, en arguant des circonstances qui changent.

Depuis 50 ans, l'avènement de la télé de masse, nous vivons une nouvelle dictature, celle de ce quatrième pouvoir devenu le premier, basé sur aucune légitimité démocratique, mais non plus aucune compétence, sinon celle qu'il s'est arrogé d'intermédiaire entre les "sachants" et le peuple.

Bien sûr, ce faisant, il est aussi incompétent qu'un Ben Ali ou qu'un trader qui joue avec le feu - un jouet qu'il s'est donné et dont il ne connaît pas, dont il ne veut pas connaître les rouages.
Bien sûr, ils ont le risque d'entrer brutalement , comme Murdoch, dans un "enfer" dont ils ne comprennet pas du tout ce qui leur a valu une telle opprobre ( mais ce risque en fait tomber un, un Kerviel, un Murdoch, les autres sont "sauvés" ou s'indignent).

Et après? Il y a urgence à mettre au pas tous ces pouvoirs, à repenser collectivement le monde, à faire une vraie révolution.

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