Roman

Publié le par Michel David

     Dernier blog de l'année. Bientôt, je pars en vacances pour trois semaines.

      J'ai envie de revenir sur les "événements" de l'"affaire" Polanski. Les mots, déjà, ont un sens. Dans notre ère médiatique, où un événement - en général, soit planétaire (la Terre avec un grand T qui va être sauvée ou détruite à Copenhague !) soit microscopique (la hernie discale mal soignée d'un autre Suisse) - disparaît dans un torrent de paroles insignifiantes, un "recul" de plus d'un mois apparaît une éternité.

      Quand est apparue l'"affaire", nous avions une réunion syndicale, où nous avons, en aparté, débattu. Femmes (le viol est un crime - oui) contre hommes. Et tous ou presque de fustiger l'imprudence de Ministre Frédéric qui n'a pas encore tout à fait compris qu'il lui faut parler langue de bois, alors que la parole médiatique est, elle, "libre".

      Hier, dans "Le Monde", un article du directeur de la rédaction - rien que ça ! - pour montrer que l'"affaire du viol", en 1977, n'est pas si simple, que, dès le début, la procédure américaine a été entachée d'irrégularités. En gros, qu'un juge élu - de ce mirifique système à avocats richissimes, juges corrompus, prisons mortelles et peine de mort - a voulu se farcir le petit polak, comme, en 2009, un fonctionnaire suisse, à l'ombre de son absence de minaret, a fait un excès de zèle.

      La seule qualification juridique de 1977 n'était pas viol, sodomie, etc., mais relations sexuelles illicites avec mineure. Est-ce un hasard si la victime ne veut absolument pas qu'on reparle de cette affaire ? ne veut pas qu'on évoque les faits ? ne veut pas qu'on se replace il y a 32 ans, où, même aux Etats Unis, l'époque était à la libération des moeurs et non pas à l'oppression que nous sommes en train de vivre, sous le poids alourdi des religions (je dis bien des religions).

      Alors, chapeau. Chapeau à Frédéric M., victime de la curée médiatique, obligé de ne pas répondre complètement face à un Elkabbach jouissant littéralement de sa puissance d'interviewer. Chapeau à F.M. que j'ai vu il y a quelques jours à la Cinémathèque fêtant les 20 ans de Collège au cinéma et qui, après un discours soporifique d'un apparatchik de l'Education qui n'est plus nationale, a parlé selon son coeur du film que nous allions voir, comme lorsqu'il était à la télé. Avec, tout simplement, un ton juste et une conviction.

      Chapeau à Roman P. , qui a souffert toute sa vie des horreurs diverses qu'il a vécu, qui a ses zones d'ombre, et qui paiera toute sa vie pour ça (mais, au fait, quel homme ou femme n'a pas de zone d'ombre ? n'a pas de choses inavouables ou inavouées ?). Et ce n'est pas parce qu'il fut un grand cinéaste qu'il doit être "absous", mais parce qu'il est tout humainement un homme de son temps.

      Je n'ai rencontré Roman P. qu'une fois ; j'étais à la Cinémarhèque en 1986 et j'invitais des cinéastes, une fois par mois, à présenter un de leurs films et à faire une "leçon de cinéma". Il avait voulu présenter "Le bal des vampires", alors que ma préférence aurait été "Repulsion" (d'ailleurs, je trouve que les débuts de sa carrière sont bien meilleurs que les dernières années). Lors de la préparation de l'après-midi, Roman P. ne m'avait demandé qu'une chose, que j'interrompe toute discussion qui parlerait de sa vie privée. Personne, dans cette enceinte, ne lui a parlé d'autre chose que de cinéma.

      Dehors, à la fin, presqu'à la porte de sa voiture, une minette a voulu lui parler de Sharon Tate. Je l'ai repoussée fermement et fermé la porte. La voiture démarre. Petit signe de la main, moment de tristesse dans le regard.
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