Ceci n'est pas un film

Publié le par Michel David

Je reviens un peu tard sur le film de Jafar Panahi.

Ceci n'est pas un film.

J'aurais pu penser que des spectateurs aillent voir ce film par solidarité avec un cinéaste qui risque quand même très gros, l'enfermement chez lui, la prison peut-être, l'interdiction de travailler (30 ans?!!).

J'aurais pu penser que d'autres au contraire auraient eu envie de voir ce geste de liberté, ce cinéaste - dont les films précédents montrent l'intelligence et la force métaphorique.
J'aurais pu penser que les spectateurs n'allaient pas se laisser impressionner par ce qui est dit du film ou ce qui est dit de la condition actuelle de l'homme Jafar, n'allaient pas verser dans ce que Danielle Attali, du Journal du dimanche, n'ayant pas compris le film, dit, comme un perroquet: ceci n'est pas un film.

Je suis allé voir " Ceci n'est pas un film" le premier dimanche de sa sortie au MK2 Bastille ( pas de sortie au MK2 Beaubourg, pourtant "adapté" à ce cinéma). Séance de 14h 30. Six personnes dans la salle, dont moi.

La culture disparaît des salles. Je constate que beaucoup  de salles de spectacles ( théâtre, musique) sont pleines, y compris pour du spectacle vivant dont les médias ne rendent pas compte. Je constate que des spectateurs ne sont pas dans une consommation immédiate, par exemple en prenant des mois à l'avance un abonnement. Je crois que l'heure est venue au cinéma de retrouver une aventure de distribution dans les marges, en retrouvant la dynamique des mouvements des années 50, des ciné clubs (par abonnement); je crois qu'on peut "créer" un public, certes très différent de celui de la consommation immédiate, mais qui sera le terreau de la nouvelle vague.

Mais revenons à Panahi.

Ce film est un regard. Un immense acte de liberté d'écriture. Peu m'importe que la scène finale, celle de la descente des poubelles dans un ascenseur menant pour la première fois le cinéaste -acteur de sa propre vie- dans le danger du dehors, qui plus est alors que ce dehors est festif, peu m'importe qu'elle soit entièrement jouée ou quasi improvisée ( ce film a été tourné en quatre jours). Idem dans cette scène poignante, où le cinéaste qui s'est pris au jeu de mettre en espace sur le tapis de son salon le scénario qu'il lui est impossible de réaliser s'arrête brutalement, s'effondre d'émotion, parce que le réel de la situation absurde dans laquelle il est lui saute à la gorge.

Ce qui apparaît là, c'est le geste cinématographique, c'est purement et simplement du cinéma.

Et il faut s'interroger sur les raisons qui font que le cinéma contemporain naît là où il y a le plus d'oppression: Argentine il y a dix ans, Thaïlande, Mexique, Philippines, Iran.

Le naufrage actuel du cinéma français n'en apparaît que plus vif.

Quelquefois, on vend ( parce qu'il s'agit de vendre, pas d'exister, comme Panahi). "La première fois" qu'on fait du cinéma muet grâce à Thomas Langmann, tournant aux USA parce que... quelle explication au fait? Ah? Et "Juha"?

Ou on vend une histoire fausse à pleurer ( tout le mode tombe dans le panneau?) de "Donoma", ce film auto réalisé pour 150 € ( qui dit mieux? - au niveau du prix évidemment, je ne parlais pas de talent).

On traite un sujet bien émouvant.

"Polisse" - on s'y croirait, dans cette si émouvante et si juste brigade des mineurs, où les bons sont bons (les flics!!!) et les méchants (tous les autres!!!) méchants ( aucun cinéaste, même du temps du western le plus raciste, n'a osé ça). Emotion pleurnicharde de Maïwenn, qui n'est plus Le Besco - Isild, où as tu disparu?- au cas où on n'aurait pas compris les-lourds-contentieux-qui-font-surgir-le-génie.

"Intouchables", beau sujet pleurnichard/ rigolard à souhait, très Canal, avec deux bons, caricatures, mais si vraies, un vrai banlieusard, un vrai handicapé. Bon, il n'y a qu'un riche, mais il faut bien que chacun reste chez soi.

Ecoeurant. Et ces succès de consommation paralysent toute innovation ( tout au moins le croient ils, ces "dominants", ces "détenteurs du pouvoir" du riche, qui a la classe de l'immédiateté à ses côtés: Bruce Toussaint, ex Canal, désormais Lagardère Europe 1, déclarant à l'antenne,  qu'il privatise pour lui, qu'il se rasera la barbe si Omar Sy n'a pas le César!!!

Jafar Panahi, tu nous sauves de cette fange, continue ta pureté, continue ton courage, tes combats.

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