Formule 1

Publié le par Michel David

S'il y a une activité que j'ai toujours eu en sainte horreur, c'est le sport.
Déjà, enfant, j'étais martyrisé par le sport. Alors que j'étais - au moins jusqu'au début de mon adolescence - un enfant sage, timide, obéissant, bon élève, ne faisant pas de bruit, un peu copain avec  tout le monde parce que j'étais capable d'aider ( je n'ai pas été souffre-douleur comme certains enfants timides le sont)-, que j'étais bon en tout, sauf en math, j'étais archi nul en sport. Pire, c'était incroyablement pénible et je ressentais comme une humiliation devant la classe mon impossibilité à monter jusqu'en haut de la corde lisse ( je crois me souvenir que je n'y suis jamais arrivé!). Ne parlons pas du poids qui me tombait des mains ( j'ai failli m'estropier moi- même - et pas dans un acte de martyr) ou de la course à pied où j'arrivais presque systématiquement dernier. Un vrai supplice.

Je n'étais pas meilleur spectateur de sport. J'ai vu deux matches de foot dans ma vie, l'un vers l'âge de dix ans, où mon père m'avait traîné pour voir le FC Nantes (pourtant bonne équipe, adepte du "beau jeu") et où j'ai été obligé d'avouer  que je m'étais mortellement ennuyé, l'autre devant un écran géant - un match France Brésil - je ne sais plus quand, je ne sais plus qui a gagné.

Alors, les minables palinodies de l'actuelle équipe française de foot me font rire; mais je ne vois pas quel commentaire je pourrais actuellement ajouter du haut de mon incompétence.

Pourtant, il y a sur le sport quelque chose qui m'intrigue depuis longtemps et qui me semble le signe de l'évolution d'une société.

Je n'ai pas l'impression qu'il y a trente ou quarante ans, en France, la pratique sportive ait été moindre que maintenant ( je me trompe peut -être, parce que, en fait, je n'y connais rien!). Mais, ce que je sais, c'est qu'il ne serait venu à l'idée de quasiment personne d'être lecteur ostensible de l'"Equipe". C'eut été être réactionnaire, comme de lire" Le Parisien libéré", journal des concierges ou "Le Figaro", journal du capitalisme. Or, maintenant, on a l'impression du désir d'hystérie collective pour tout "grand" événement sportif. Ne serait-il pas temps de relire les textes, nombreux, de Jean Marie Brohm analysant les rapports entre sport et fascisme? Ne serait-il pas temps de voir le rapport entre un "beau geste" ( un but de foot, ou le balayage du curling, sport qui, lui, fait ma joie tellement il assume son côté ridicule) et les "belles images" de corps sculptés de Leni Riefenstahl?

Le sport me paraît à cet égard le symbole parfait d'une société devenue peureuse et réactionnaire.

Et pourtant, là encore, je reconnais mes contradictions. Je me suis surpris, certains dimanches d'été depuis que je vis seul, à regarder à la télé, furtivement, le Tour de France. Mais je sais qu'il s'agit là d'une réminiscence dûe à mon père, qui était fasciné par le Tour - et je me suis toujours demandé pourquoi-. Regarder le Tour, c'est pour moi être plus proche de lui depuis qu'il est mort, alors que nous avons toujours été distants de son vivant.

Quant à mon péché, c'est la Formule 1. Attention, quand même, je ne suis jamais allé sur un circuit, où je suis persuadé que, d'une part je n'y comprendrais rien étant donné la vitesse des déplacements alors que le spectateur est immobile, d'autre part parce que le bruit, la fureur, la foule, je crois que ça me ferait fuir.

Donc, je regarde passivement à la télé. J'assume ce côté snob, regarder un sport de riches, où les coups bas pleuvent, où les stratégies sont cachées, où la paranoïa des écuries et des pilotes est très développée. J'assume, parce qu'il y a quand même quelque chose de fascinant dans cette vitesse. C'est qu'avoir une seconde de retard, ce peut être une éternité irratrapable ou, à l'inverse, un instant microscopique dû à un dépassement ou un changement dans la course jusqu'au dernier moment et qui peut arriver de manière totalement inopinée. C'est un sport qui abolit le temps ou plutôt en fait éprouver l'incroyable élasticité.

Et ce qui me frappe aussi dans le sport (tous les sports) à la télé - au delà des commentaires des "experts" qui sont là pour "remplir" -, c'est que le sport n'a aucun hors champ. C'est le contraire du cinéma, où on sait bien que l'on regarde un cadre, quelque chose qui se passe dans un cadre que le spectateur subit, mais où cette contrainte permet à l'imagination de vagabonder dans le hors cadre, que le cinéaste l'ait voulu ou non (le spectateur s'approprie le film).

Du sport, rien de tout ça, seulement un cadre pauvre et sans imaginaire. Voilà, j'ai réussi à théoriser ma détestation du sport.

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