Le piège

Publié le par Michel David

Toulouse, oh Toulouse. Un grand méchant tueur Mohamed a terrorisé la France pendant quelques jours.

Ce même jour, ( hier - il y a déjà longtemps), la Belgique effondrée pleure, dans une communion nationale, ses jeunes morts dans un accident de la route en Suisse. Plus une ligne, plus une image de ce qui a fait un quart d'heure minimum de journaux télévisés.

Ce même jour, une adolescente est assassinée à Nantes par un homme que la justice suivait. Cette adolescente n'aura pas la "reconnaissance" de Laetitia Perrais. Un article dans le Monde, pas de place pour l'émotion collective.

Je prends le métro tous les matins. Les gens lisent, discutent - de leur vie quotidienne-, ne sont nullement apeurés. Certes, nous sommes "loin" de l'événement. Mais je me souviens néanmoins qu'au moment des attentats meurtriers dans le métro parisien, le peuple ( le vrai peuple) continuait à prendre le métro. Sans peur.

Pourquoi y a t il un décalage si gigantesque entre ce que nous vivons dans ce métro et l'image télévisée, où maintenant, dès le moindre événement, les "gens" ( pas le peuple) sont émus, s'embrassent, se prennent la main, pleurent, applaudissent les cercueils, prient - puisque, maintenant tout le monde prie!?

Le buzz médiatique est devenu si puissant que plus rien ne lui résiste ( et que les fabricants du buzz en jouissent littéralement.- Bruce Toussaint tout fier d'appeler en direct une femme terrorisée parce qu'elle est dans l'immeuble du tueur - et que la police ne fait rien, bien sûr).

François Hollande adopte immédiatement l'attitude que le buzz exige. Il fait semblant d'être président; il arrête sa campagne ( question de philo: à partir de quel "degré" arrête t on une campagne?). La puissance de l'émotion médiatique est telle qu'il a tactiquement raison. Et Nathalie Arthaud ou Jean-Luc Mélenchon, qui ont l'attitude juste, c'est-à-dire celle analogue à nous qui continuons à prendre le métro et à vivre, qui ne se laissent pas pourrir par la "vie" médiatique  ont tactiquement tort.

Et "la campagne ne sera plus comme avant", dit le buzz.Oubliée la fange du débat sur le hallal.

Je ne sais pas si Sarkozy gagnera. Mais il a parfaitement raison dans sa tactique. La seule attitude qui vaille, dans son cas, c'est l'opportunisme politique. Pas de bilan, pas de programme élaboré, des mesures balancées n'importe comment, à tout va, que personne n'écoute vraiment.

Et Hollande a compris qu'après avoir exposé ses 60 mesures, donc un "programme", il lui fallait désormais en dire le moins possible, donc "faire président" ( formule subliminale de Sarkozy).

Et ça n'empêchera pas beaucoup de Français de voter comme un seul homme sur cette totale absence d'enjeux.

Nous avons bien là le signe d'une société complètement bloquée, rétive à toute évolution et réforme, dans une secrète envie de révolution - notre gloire nationale - mais en ayant peur de ça aussi.

Pourquoi la France est elle le pays européen ( comparons à nos voisins, et pas à l'énergie asiatique) où les sondages montrent le "désespoir", alors que ça ne va pas plus mal "objectivement", que nous pouvons même nous glorifier d'un art de vivre ensemble?

Une explication qui n'est sûrement pas la seule. Le seul corps intermédiaire qui reste est le corps médiatique, très profondément conservateur et très profondément méprisant sur tout ce qui n'est pas lui. Le mépris, vieille histoire française. Regardons régulièrement Godard.

La politique est celle de l'à coup permanent, où le mépris le plus complet de tous les corps intermédiaires ( juges, enseignants, etc.. etc., c'est à dire toute la majorité qui a besoin pour une action de temps) est porté à son point incandescent.
Et, évidemment, tous ces intermédiaires se vengent. De l'administration qui verrouille et qui s'en sort grâce à son maquis procédurier à tous les "agents économiques" qui font une sorte de grève sur le tas. Mépris, parce que, dans notre société, la confiance n'est jamais acquise, parfois jamais donnée.

Le piège fonctionne. Pour l'instant.

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